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Des plans sur la comète d'Arlet

Dans le bourg des Anses d'Arlet, nous sommes entrés sans frapper.

Et, là où ne poussent que ruines, herbes folles et vide

nous avons imaginé de nouveaux édifices avec des histoires et des liens neufs.


L'OBSERVATOIRE du TEMPS QUI PASSE

Hermence Mariello, 2020


Je suis architecte, et voilà qu’il m’a été confié l’excitante mission de concevoir l’Observatoire des Anses d’Arlet.

L’espace alloué est superbement placé. De là, on a vue sur tout. Évidemment ! C’est un observatoire !

J’imagine une structure toute ronde, ouverte aux quatre vents ou plutôt à la douceur des alizés.

Le bâtiment n’est pas situé sur l’une de ces verdoyantes collines qui cernent le bourg... Qu’à cela ne tienne !

De gros œils-de-bœuf, répartis sur toute la façade, permettent à tout un chacun, aux passants, aux venants, aux résidents de profiter de la vue qui s’étend, par delà le sel et l’azur de la mer jusqu’à l’horizon, au fond, là-bas.

Tel un vaisseau fantôme posé au milieu d’un océan de flamboyants, de gommiers, de cocotiers, de manguiers... il invite tous ceux qui se donnent la peine d’arriver jusqu’à lui, à observer cette vie tranquille qui s’étire langoureusement, là, à ses pieds.

Tout frémit, tout palpite sous son regard bienveillant.

De son promontoire, il dit « Bienvenue aux Anses d’Arlet », les Anses d’Arlet où le temps ne fait que passer, sous le signe de la tranquillité et du bien-vivre.


                                         L’archi... urbaniste à ses heures... jamais perdues



L'ORPHELINAT du Bruit de la pluie

Fabienne Clément, 2018

Je fus appelée un jour pour concourir à la conception d’un orphelinat sur le bourg des Anses d’Arlet. Chaque équipe d’architectes convoquée avait aussi à choisir le lieu d’implantation potentielle de l’édifice à venir le plus en osmose possible avec leur philosophie d’usage et de vie.

Déambulant alors de la mer aux ruelles fleuries et aux maisons ouvertes qui parlent sans se soucier du passant, mes pas m’amenèrent vers les hauteurs du bourg proche de la pampa. Plus je progressais et plus la végétation spontanée progressait aussi, jusqu’à me retrouver sur un chemin cabossé par les rides de latérite. Ce chemin avait un nom de rue : la rue des roses et, à mieux regarder, siégeaient, parmi la multitude de nuances de verts végétaux voulant l’absorber, les traces ruinées d’une imposante bâtisse d’antan.

C’est ici que je ferais naître un établissement d’accueil pour enfants sans famille qui désespèrent d’être reconnus un jour par celle ou celui qui n’est plus ou qui n’a jamais été.

De retour au bourg, mon unique investigation fut de connaître l’identité de ces ruines. C’était celle du palais du dernier gouverneur de l’ile en 1907.

Concevoir et faire construire un orphelinat dans l’empreinte d’un palais, certes, mais dans quelle éthique était celle de cet individu en charge d’un territoire ? Quelle éthique ce personnage avait-il cultivé ?

Une nouvelle architecture se superpose à l’ancienne sans vraiment prendre acte du genre d’énergie qui vibrait avant sur le site. Pourtant l’histoire d’un lieu plante toujours une graine pour demain.

Fort heureusement dans le cas de ma rue des roses c’est la végétation spontanée et luxuriante recouvrant l’histoire ancienne qui me donnait la réponse.


Planter un lieu d’accueil pour enfants sans famille où siégera une vie collective à tricoter sans se refermer, c’est pour moi tisser ici les éléments qui nous permettent de respirer sans y penser.


Alors, pour ce lieu, je tisserai avec les arbres centenaires, avec les arbustes, avec les fleurs, avec les fruits, avec les parfums, avec la lumière et son ombre, avec l’air qui circule et avec le son de la pluie qui câline, qui berce, qui rassure quand la nuit tombe et que, de nouveau, il faut essayer de vite faire taire les questions sans réponses qui viennent reprendre place dans le vide et l’inaction du dortoir. Oui, pour cet orphelinat, je tisserai les éléments de la nature aux fils du bruit de la pluie.


LA PRISON des Désirs desséchés qui font aller-retour

Félicia Nuissier, 2018

Hors des murs de cette ville grouillante aux relents de marée et de monoï

A l’abri des tourments qui me pourchassent,

M’arrêter, ici, juste ici – à l’écart

A l’écart d’un monde qui n’a pas compris qu’on n’enferme pas Ismelka*.

Je traverse les murs,

Me mire dans les puits et ressurgis sur ce vieux banc de bois,

A l’ombre des arbres droits et fiers, pas voyous pour un sou.

D’ici, j’aime à penser les allées, les cursives et les vasistas par lesquelles se murmurent peines et joies, retrouvailles et promesses…

Crois-moi… je te sortirai de là !

Crois-moi… je ne t’oublierai pas !

Des dalles de brique-peyi devront amortir les bruits des pas et contenir les désirs desséchés qui font aller-retour.

Tout partager, sans s’assécher, sans se disloquer sur les parois d’aucune inhumanité.

Un grand hall tout éclairé où s’affichent les mémoires comme les méfaits,

Les non-dits, les délits et les délires de beaucoup d’incompris.

Une Oasis où retenir des corps, faute d’emprisonner les esprits,

Jusqu’à taire en eux l’envie de revivre le mauvais dehors.

* Ismelka : génie

LA MAIRIE des Choses inutiles

Marie Newton, 2018

Je mets l'accent utile sur des choses inutiles comme "Deux points, ouvrez les guillemets". J'ai connu 7 époques. A chacune de ces époques, j'ai désigné sur le parking de l'église, une place, ma place, celle de l'élu. Conformément à la loi des Antilles, j'ai inscrit de modestes réglementations, prévenant toute infraction à ma loi. Maintenant, élue des choses inutiles, je vous demande de porter toute votre attention sur cette liste électorale de quelques mots non exhaustifs -et c'est bien la raison de votre présence- afin d'y multiplier les partages et discussions :


Plage privée, Plage payante, Parking réservée, Parking payant, Taxe d'habitation, Taxe foncière,

Amendes, Plan local d'urbanisme, Carte communale, Écologie urbaine, Signalisations visibles etc.

J'ai écouté et merci pour vos compléments d'objet direct, indirect, de coordination, de nom, de subordination bien sûr ! Ce projet que propose, ici, la mairie des choses inutiles, tiendra bien compte de tous ces Etats des lieux de chaque parcelle, chaque propriété. Merci. L'état d'urgence soulevé paraît nécessaire. Ensemble...

LA CABANE des Parce que sans pourquoi

Cynthia Combermale, 2018

Enfant, lorsque l'aiguille de l'horloge s'approchait de l'heure de liberté, je démarrais le voyage mental qui m'amenait jusque là-bas. Lorsque les cloches tintaient, une envie irrépressible d'y être m'envahissait. Après un au-revoir rapide au maître et à mes camarades, je commençais mon cheminement. Un regard furtif à la bibliothèque, quelques remords bien vite étouffés par l'envie de me retrouver en ce lieu. Je me dirigeais, ensuite, vers le palais présidentiel, son architecture atypique m'inspirait déjà en ces temps. Cette inspiration était bien plus parlante que des aspirations de pouvoirs qu'un tel édifice pourrait apporter. J'étais loin de tout ça. En tête, une seule chose. La CABANE, MA cabane, NOTRE cabane. Plus que quelques mètres, le cimetière, je le longe, je ne le regarde pas, mon pas se fait plus pressant. Est-ce la peur du néant, les questions relatives aux "après", la peine des êtres perdus ou l'envie d'être dans la cabane ? Je ne le savais pas, c'était le début des questions sans réponses. Mais ce dont j'étais persuadée, c'était qu'elle, elle savait, elle allait m'aider. Elle m'appelait depuis la veille et chaque jour, elle recommençait. Elle allait me montrer, me guider même si je ne savais pas comment. Elle était devenue indispensable à mon équilibre. Lieu de paix, on y entendait les pépiements des oiseaux, le canal et ses clapotis si apaisants.


Un grincement, on y est. Les premières marches, les souvenirs de grand-père les réparant, ce bruit si désagréable qu'il en devient envoûtant. Mon voyage commence, un voyage intérieur, mon propre voyage. Je m'installais sur le rebord de la fenêtre, la peinture écaillée allait, certainement, laisser quelques traces de mon passage, mais je m'en moquais, ces traces deviendraient souvenirs. Les pieds dans le vide, au-dessus de l'eau, j'allais pouvoir jouir de ce moment, oui, celui que j'attendais depuis la veille. J'avais une heure devant moi, si peu et en même temps, tellement. Une heure de liberté, une heure où je pouvais mener mes pensées au lieu que je souhaitais, où je regarderais le jeu de lumière entre le soleil, l'eau et la végétation ou encore les lignes que la nature m'offrirait dans ce lieu si paisible. Durant ce temps, toutes les questions, tous les pourquoi étaient permis ; à voix haute, à voix basse, en musique ou dans ma tête, ils allaient se mettre à danser. Pourquoi doit-on grandir ? Pourquoi doit-on partir ? Pourquoi lui ? Pourquoi moi ? Je n'avais jamais de réponse, jamais un parce que. Mais était-ce vraiment pour cela que j'étais là-bas, les attendais-je vraiment ? Peut-être est-ce les bienfaits de ces introspections ou encore la possibilité d'échapper à la lourdeur de mon quotidien. Cependant, je pouvais baisser mes épaules et ne porter personne.


Je suis revenue, aujourd'hui, en ce mois de mars 2018. J'ai 34 ans. J'ai grandi, évolué et j'ai trouvé, depuis, quelques parce que. Cependant de la cabane, de ma cabane, il ne reste que quelques poutres et ces fameuses marches, celles dont le grincement me fera toujours voyager, voyager près des miens, dans mes rêves, mes songes ou mes pensées. J'ai décidé de reconstruire cette cabane afin de permettre à notre quartier, à celui de mon enfance de retrouver un lieu de sérénité, un lieu où se retrouver, seul, à deux ou entre amis. Un lieu pour se répondre même s'il n'y aura peut-être jamais de parce que. Et puis -comme dirait l'enfant que j'étais-, ne serait-il pas possible que la sérénité se trouve, finalement, dans les non-réponses ?





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