La mort d'Emile (2017)

Seize heures, quartier de l’Union à Sainte-Marie.

Les petites maisons basses se serrent les unes contre les autres, la peur les a envahies.

Deux hommes à l’air déterminé ont emprunté la rue de la Fraternité et ont ensuite tourné à gauche dans l’allée du Sans Souci. C’est une allée toute droite bordée de bougainvilliers violets bien taillés : en triangle, en rectangle, en boule… L’allée est disciplinée, humble, se tient bien. Emile est certainement derrière l’une de ces portes basses et étroites. Rien ne transpire, aucun bruit, aucun mouvement.

Le duo avance avec force gesticulation, chacun regardant autour de lui à chaque pas. Soudain l’un d’eux s’immobilise.

"Ici !" dit-il en montrant une petite porte jaune. "On entre !"

Et voilà que la porte est défoncée !

Deux secondes, et Emile est extirpé de chez lui. Il se débat. Un coup de feu retentit. Emile s’effondre, une tâche rouge sur la poitrine. Les deux hommes s’enfuient. Les voisins pétrifiés ne bougent pas.

Cimetière de Sainte-Marie, ce jour-là.

LE MONOLOGUE DU MORT À LA MORT

Emile vient d’arriver. C’est un nouveau-mort.

- Bienvenue chez nous !

Il est accueilli dans sa nouvelle famille. Il n’a pas encore de repères.

- Qu’est-ce que je dois faire ? C’est comment là-bas ? On se présente. On dit bonjour, on fait la conversation ? Quels sont les sujets de conversation ? D’ailleurs, est-ce qu’on a besoin de créer des liens ? On est peut-être déjà liés, on n’a pas besoin de repartir de zéro comme là-bas : savoir qui on est, où on est, où on va, ce qui nous entoure. Ici on doit seulement s’habituer à exister parmi les autres. C’est tout. On ne sait pas faire là-bas.

Emile a tout un monde à recréer maintenant. Combien de temps cela lui prendra-t-il ? Dans le monde là-bas, il existe plusieurs théories sur le passage de nouveau-mort à grand-mort.

Emile est un nouveau-mort doué ! Il est arrivé sans peur. Maintenant il existe sans... nostalgie, sans jugement. C’est inédit !