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 >>>  trace 37.  Ste-Luce à tous les temps - dimanche 7 février 2021

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Si tu étais une époque ?

 

Je serais la Renaissance. Je serais juste avant le Covid. Je serais les années 60. 70 ! 80 ! Qui dit mieux ? 3000 ! -3000 à l'époque où on n'appelait pas Egypte, l'Egypte. Je serais l'antan-lontan du Japon. Saint-Pierre avant l'éruption. 

Et c'est ainsi, toutes époques mêlées, que nous sommes entrées

dans Sainte-Luce sur les traces du futur.

 

Mais à vrai dire, le futur, on y était déjà. Sur le point de rassemblement, au départ de la Traaace, il maquait Valérie et Gabrielle. Nous les attendions et le temps passait à une allure de chauffard. Il a fallu commencer sans elles. Jamais sans nous ! qu'elles ont dit ! Et elles ont dégainé leur téléphone, whatsapp, vidéo, tout bagay... inaugurant la Traaace 3.0 en visio-rando !

Quand elles nous ont rejointes en présentiel, comme on dit maintenant, nous étions dans le passé, entourées de morts qui n'étaient tellement pas morts que nous sentions voler autour de nous toutes les questions irrésolues qu'ils continuaient à se poser. A nous poser.

Un soldat mort en 58 : Que va devenir la France ?

Un papa chéri : Pourquoi, ma fille chérie, n'as-tu toujours pas pris le train pour venir construire la Martinique ?

Une Reine de l'élégance et des petits plats, décédée à 62 ans : Qui va s'occuper de ma famille et les nourrir de mes bons plats et de mon amour ? .

Sidonie Alca : Est-ce que tu m'as oubliée ?

Délise Maurice : Crois-tu que maintenant je sais ?

Jean-Michel, mort en 1996 à 26 ans : Si je ressuscite, quel sera mon avenir ? Qui m'initiera à internet ?

José, mort depuis nanni-nannan, se demande, lui, qui gagne à la fin.

Dans un recoin du cimetière, Valérie est allée voir son papa. Elle l'a entendue s'excuser de l'avoir quittée trop tôt.

Tous ces morts autour de nous, en nous... Tant de regrets, de souvenirs, tant de passé que l'on aimerait revivre... Et à côté, tout ce que l'on voudrait oublier mais qui continue à nous hanter, à pourrir notre présent. Le Patriarche, par exemple. Lui, y'a  pas moyen : il est toujours debout ! Et sur le mur de la nationale, en contrebas du cimetière, en gros, en rouge, en noir, les afros-féministes réclament sa mise à mort : A MORT LE PATRIARCAT ! A MORT ! A MORT !

C'est nous les vivantes qui, à présent, posons la question : Quand est-ce qu'il va crever celui-là ? Quand est-ce qu'on va gagner ?

Aux questions sur l'avenir, il n'y a que les cartes qui ont des réponses.

Et nous nous blottissons tout contre le passé, refuge quand le présent tire une tête de jsaispaquoi. Pas  dans n'importe quel passé. Pas celui de nos défaites, mais celui de nos luttes. Pas celui qui tourne en rond, mais celui qui y croie. Pas celui banal et ordinaire, mais celui glorieux de nos forces espérées. En fermant les yeux, sur la pointe de nos bics, le passé sera futur. Et demain, il y aura Jimmy Hendrick, Malcolm X, ma mère. Il y aura Yémanja, l'éphémère, la folie, la démesure. Il y aura l'homme apaisé et la féminité debout.

"Vous avez pas de l'eau ou 2 euros ?"

Près de la gendarmerie, à l'ombre d'un carbet, nous faisons cercle autour d'un homme sans dents, sans sou, sans rien qui ne le distingue vraiment d'un chien famélique. Qui a perdu ?

Yasmine lui offre des cajous. L'homme montre sa bouche édentée. Dans son sac, Yasmine trouve une banane. L'homme sourit. C'est l'humanité de chaque femme qui redresse un homme et l'empêche de devenir totalement chien ou de tomber dans le néant.

Sous l'arbre qui surplombe le front de mer, nous déroulons nos temps. Au passé, au présent, au futur, c'est un seul et même temps qui coule dans nos veines, qui coule sur les joues de Valérie et avale ses mots. Mais les mots sont des guerriers. En tous cas, ceux de Valérie. Ils ne se laissent pas vaincre par une larme, car ils savent que c'est prononcés qu'ils la rendent plus forte.

Qui gagne à la fin ?

Elle.

Moi.

Toi.

Nous toutes, assurément.

Conte, rendu by manzelKa

avec

Mariame

Gabrielle 

Valérie

Sophie

Barbara

Christine

Yasmine

et Leïla

animatrices :

Isabelle et Véronique Kanor

Gabrielle sur l'arbre.jpg

BIBLIOGRAPHIE

extraits des œuvres présentement lues

Fabienne Kanor

JE NE SUIS PAS UN HOMME QUI PLEURE

Ed. JC Lattès 2016

Léon-Gontran Damas

PIGMENTS - Ed. Présence Africaine 1962

Frantz Fanon

LES MAINS PARALLÈLES - 1949

(Pièce de théâtre inédite dont on peut trouver des extraits

dans : "Fanon. Recueil de textes

introduit par Mireille Fanon-Mendès-France"

Ed. CETIM 2013)

Anthologie de poésie haïtienne contemporaine

Ed. Points 2015 :

Evelyne Trouillot, TRACES

Iléus Papillon, L'ATTENTE

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