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Si tu étais une terre d'accueil ?

 

Je serais Jérusalem, un fromager, La Réunion, une planète entre ciel et terre, le désert. Je serai dans ma tête. Et c'est ainsi avec nos bouts de terres rêvées que nous avons pris refuge au Pays de Tivoli.

Les frontières sont grandes ouvertes.

Un air de flûte des mornes s'élève et marche avec nous sur une allée bordée de fromagers grands-papas. Au bout de la route, cette porte de l'exil, cette porte qui signe le non-retour. Chamoiseau écrit qu'avant la Grande Traversée, les esclaves devaient tourner 7 ou 9 fois autour d'un arbre pour se délester de tout ce qu'ils savaient d'eux-mêmes, pour se vider d'eux-mêmes et accepter d'être autre-chose que les hommes libres qu'ils furent. Autour d'un arbre immense, habité de lianes, nous effectuons le rituel. Et nous, si nous avions le choix, que laisserions-nous derrière nous ?  

Au loin, la voix d'un tambour m'interpelle. Chevauchant son fût, Loïc, nous invite à rentrer dans le cercle. Face à l'inconnu, nous déballons tout, chacune, l'une après l'autre, toutes ces choses que nous laisserions derrière nous. Ronde ininterrompue de paroles, kudumpak ! Loïc suit la cadence ; ses doigts martèlent la peau de cabri à chaque poids qui tombe de nos bouches ; ses doigts glissent en shuintant pour accompagner nos silences ; ses doigts redoublent d'intensité pour faire voltiger nos mots. Moment improvisé dans ce matin magique !

Après le tambour, c'est le vert qui nous accueille. Un vert de toutes les couleurs, de toutes les forces. Un vert avec des bras qui nous enserrent, un vert qui chante comme de l'eau qui ruisselle, un vert au regard enveloppant. Un vert qui ne dit pas son nom, mais son cœur.

Les éléments sont avec nous.

Nous pouvons rêver maintenant.

Ou prier à une vie autre. Une vie ailleurs. Une vie maintenant.

Devant le temple hindou, les déesses nous écoutent. Derrière coule une rivière. Si sa ki taw, la rivyé paka shayé, alors aucun rêve ne sera emporté. 

Mais malgré tout ce que l'on réinventera, tout ce que l'on reconstruira, tout ce que l'on oubliera dans nos nouveaux refuges... on aura beau fuir, partir, s'exiler, ce que nous avons laissé derrière nous, nous rattrapera un jour. On croit souvent que c'est pour nous faire la peau qu'ils reviennent.... A cause de cette croyance, nous prenons la porte dès qu'on les entend frapper. Pourtant, à celles que nous sommes devenues, les laissés-derrière nous diraient de bien jolies choses. Peut-être Merci, ou Pardon. Je suis sûre qu'ils nous diraient Pa dig !

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Conte, rendu by manzelKa

avec

Dalila 

Sabine

Nicole

et Eliane

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extraits des œuvres lues

Patrick Chamoiseau - LA MATIÈRE DE L'ABSENCE (Ed. Seuil, 2016)

Gisèle Pineau - L'EXIL SELON JULIA (Ed. Poche 1996)

Monchoachi - LÉMISTÈ (Ed. Obsidiane 2012)

Ananda Devi - INDIAN TANGO (Ed. Gallimard 2007)

Daniel Maximin - L'INVENTION DES DÉSIRADES (Ed. Points 2000) 

... et écoutées

Max Cilla - LA BAIE DU ROBERT (album La flûte des mornes 1981)

Grand merci à Loic, tambouyé croisé par hasard et qui a accompagné nos mots alors  qu'il s'appétait à donner un cours de bèlè.

Association BÈLÈ AN WOUT

stage, initiation, prestation : 0696359866

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